À l’occasion de deux questions d’actualité (le vote sur le budget pluriannuel et le Recovery Plan - ainsi que sur la position de l’UE vis à vis de la question palestinienne), le problème posé par la règle de l’unanimité au sein du Conseil est à nouveau évoqué.
Dans deux précédentes notes, nous avions souligné l’effet paralysant de cette règle - accentué par l’accroissement du nombre et de la diversité des États membres qui rend de plus en plus aléatoire l’obtention d’un consensus:
Et nous avions souligné que cette règle pouvait être aménagée moyennant une “simple" révision d’un seul article du Traité, en l’occurrence l’article 48§3 TUE qui permet le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée.
Sans reprendre ici cette analyse - maintes fois évoquée dans les débats institutionnels et la doctrine depuis de nombreuses années - on ne peut s’empêcher de relever qu’une nouvelle occasion se présente de ré-ouvrir ce dossier : celle de la Conférence sur le futur de l'Europe qui doit débuter ses travaux à l’automne 2020.
Cette enceinte devrait aborder toutes les grandes questions qui conditionnent cet avenir. Celle du risque avéré de blocage de l’évolution de l’Union du fait du droit de veto accordé à chacun des 27 États membres devrait figurer à l’ordre du jour.
Comme il est probable que le Conseil (européen) résistera à toute tentative de révision des traités dans le cadre ou à l’issue de cette Conférence, l’initiative devrait venir des deux Institutions indépendantes de l’UE : le Parlement et la Commission. Celles-ci ont maintes fois dénoncé la règle de l’unanimité sans jamais toutefois proposer officiellement son aménagement par voie de révision.
L’occasion se présente à nouveau aujourd’hui de le faire, ainsi que leur permet l’article 48§2 TUE.
Les modalités et l”ampleur de cette révision devraient certes être précisées mais l’affaire est relativement simple sur le plan juridique et suffisamment claire pour être débattue par la Conférence.
Tant pour l’adoption du Projet de Traité instituant l’Union européenne (1984) que pour celle du Projet de Constitution européenne (2002) - le Parlement a montré sa capacité d’initiative et d’entrainement. Ces deux entreprises ont finalement permis d’aboutir à des réformes novatrices qui ont notamment facilité l’élargissement de l’UE en 2004/2006.
Ces réformes s’avèrent aujourd’hui insuffisantes et doivent être complétées - surtout si l’Union envisage une nouvelle vague d’élargissement vers les États des Balkans.
Il est donc temps de remettre directement en cause le tabou et le verrou de la règle de l’unanimité. L’histoire montre que plusieurs grandes tentatives de fédération d’États se sont brisées sur elle. Et elle enseigne aussi que d’autres tentatives ont pu réussir en l’écartant.
En ce “moment hamiltonien” de l’UE, il est utile de rappeler comment la Constitution des États-Unis n'a pu entrer en vigueur - et permettre le développement de l’Union - que grâce au remplacement du vote unanime des Etats de la Confédération par le vote majoritaire renforcé de neuf des treize États de la Fédération.
Et il peut être opportun de citer la réflexion d’Alexander Hamilton à ce propos dans les Federalist Papers:
“ The concurrence of thirteen distinct sovereign wills is requisite under the Confederation to the complete execution of every important measure that proceeds from the Union. It has happened as was to have been foreseen : the measures of the Union have not been executed"
Lequel ajoutait assez rudement que l’évidente nécessité de la règle majoritaire décidée à Philadelphie “can only have proceeded from an irresistible conviction of the absurdity of subjecting the fate of twelve states to the perverseness or corruption of a thirteenth”.
Jean-Guy Giraud 27 - 06 2020
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